Tueur, trader et psychopathe - L'Amérique de Bret Easton Ellis
Les grands romans du scandale
Description
"American Psycho me poursuivra jusqu’à ma tombe", soupire Bret Easton Ellis. L'écrivain américain pensait que ce récit expérimental, paru en 1991, plongeant dans le cerveau malade du charmant Patrick Bateman, trader le jour et tueur en série la nuit, ne connaîtrait qu'un tirage confidentiel. Mais la violence de ce roman halluciné, écrit à la première personne du singulier, horrifie ses lecteurs. Le scandale enfle et l'œuvre est mise au pilori dès sa sortie. Exception faite de Norman Mailer, qui lui reconnaît dans la sienne une certaine ambition littéraire, les critiques sont pour la plupart assassines et le livre est vilipendé par les mouvements féministes. On lui reproche sa misogynie, son racisme, sa haine des pauvres et des enfants. Yuppie dégénéré, Patrick Bateman n'épargne en effet personne dans ses vociférations, particulièrement ceux qu'il considère comme des faibles. Il s'étend sur ses meurtres, réels ou fantasmés, dans toute leur crudité. Pris au premier degré lors de sa parution, ce roman se révélera visionnaire au fil des années au point de devenir culte. La sortie en 2000 du film homonyme, réalisé par Mary Harron, qui en fait une satire féministe, contribue à lever le malentendu.
Capitalisme débridé
Retraçant la genèse de cette œuvre controversée, ce documentaire offre un passionnant tête-à-tête avec son auteur, ainsi qu'avec son confrère, ami et ancien compagnon de bringue, Jay McInerney. Membres distingués de la bande de turbulents jeunes écrivains qui bousculent les lettres américaines dans les années 1980, les deux oiseaux de nuit expérimentent précocement la célébrité. Devenu malgré lui le "bad boy" de la littérature américaine grâce à deux romans à succès, Moins que zéro et Les lois de l'attraction, Bret Easton Ellis s'était alors senti dépossédé de sa personnalité. Ce sentiment de perte, associé à son insatisfaction, son rejet du monde et sa fréquentation des traders inspirent ce livre choc à l'écrivain, qui avoue par ailleurs aimer déranger et explorer de nouveaux territoires. Grâce aux exégèses de chercheurs (en littérature, mais aussi neurosciences) et d'éditeurs, le film montre à quel point le roman avait vu juste. Sa peinture d'un capitalisme débridé, des tensions raciales, d'une société hyperconsumériste, l'idée qu'un psychopathe puisse parfaitement réussir en entreprise et jusqu'à la fascination de Patrick Bateman pour Donald Trump, tout fait écho non seulement au cynisme des années Reagan mais aussi à la frénésie chaotique qui leur succédera. Même si Bret Easton Ellis estime qu'il ferait aujourd'hui "une critique bien plus radicale de la société"…
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