Aides à domicile, les temps modestes
Description
Les paysages de Moselle, région martyre de la désindustrialisation, défilent à travers le pare-brise : des champs, du brouillard, des hauts-fourneaux à l'arrêt. Marina ne les voit plus. Certains jours, elle avale 150 kilomètres en voiture, à la rencontre de ses usagers, majoritairement des personnes âgées, pour une ou deux heures de ménage, de toilette et de conversation. Elle et deux autres – Sophie, grande gueule tendre, "ancienne" du métier, et Taandhuma, qui ne "vit pas" et accumule les heures pour nourrir sa fille (sans la voir, en conséquence) – sont les émissaires d'un métier quasi exclusivement féminin, où le diplôme est rare, le travail, colossal, et les conditions, éreintantes. Pour ceux qu'elles aident, pourtant, la visite des aides à domicile constitue parfois le seul événement notable au milieu d'une semaine de silence. L’humeur des usagers varie, tantôt repliés sur eux-mêmes, tantôt rieurs ou philosophes, de la quiétude à l'inquiétude. Marina et les autres s'adaptent. Le besoin d'argent ou celui d'"être utile" les a poussées vers cette profession, une machine aux rouages mal huilés qui digère et recrache des corps meurtris, sans reconnaissance pour leur activité.
Bon cœur et mauvaise fortune
Avant tout, le salaire. C'est leur principale revendication, leur plainte la plus criante. Interrogées par le documentariste François Chilowicz, les aides à domicile parlent de vies à crédit, alignent des chiffres douloureusement bas, tandis que, derrière la vitre de leur voiture, les revendications restées lettres mortes des gilets jaunes colorent des ronds-points désormais vides. Toutes veulent être mieux payées, ou partir. Celles qui le peuvent passent des diplômes et la frontière pour travailler au Luxembourg, où l'État rémunère mieux. Les autres traînent d'usager en usager leurs tendinites et les mille petites blessures de la pénibilité, font avec rien pour améliorer un quotidien frugal et réconforter des hommes et des femmes auxquels la hiérarchie préconise de "ne pas s'attacher". Sans commentaire ("Je préfère privilégier l'émotion à l'explication. Se mettre à la place des autres crée du doute et de l'insécurité, mais c'est la vérité qui se loge dans cet inconfort", expliquait le réalisateur en entretien), ce documentaire filmé entre 2019 et 2021 expose une réalité blafarde où surgissent parfois, de l'intimité et de l'écoute, des instants d'humanité suspendus. Le reste du temps, le ciel lorrain bas et lourd pèse sur les épaules de ces femmes sans l'intervention desquelles une génération entière, abandonnée à son sort, disparaîtrait. En filmant le quotidien d'aides à domicile, François Chilowicz creuse un sillon naturaliste sobre et précis. Poignant et nécessaire.
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